Le tour de Kessel
Trois générations pour une Pléiade
Joseph Kessel aimait la Pléiade. L’écrivain reporter se faisait envoyer après-guerre des volumes de la collection par son éditeur et ami de longue date Gaston Gallimard. Il est vrai que depuis 1949, il s’était enfin fixé dans un bel appartement du VIIIe arrondissement, au 18 rue Quentin-Bauchart, son dernier domicile parisien. Une telle bibliothèque y avait toute sa place.
Mais cet attachement à la Pléiade n’était pas que celui d’un lecteur : l’auteur Kessel intéressa aussi de près la collection… et de façon assez inattendue, comme le laisse deviner cette lettre de Gaston Gallimard du 5 mai 1949*.
Nous avons déjà évoqué le contexte de publication et de réception du premier volume consacré par la «Bibliothèque de la Pléiade» aux œuvres de Charles Péguy, réunissant en 1941 ses poésies complètes. Cette entreprise avait fait date et s’inscrivait dans le prolongement de l’édition posthume des œuvres complètes de l’écrivain à la NRF, entreprise dès septembre 1916. La parution de la nouvelle édition des Œuvres poétiques et dramatiques de Charles Péguy est l’occasion d’apporter une pièce complémentaire au dossier de l’édition de 1941.
La bibliographie réserve souvent des surprises à ceux qui s’y exercent, par métier ou par passion. Elle relève parfois d’une science du palimpseste, mettant au jour un récit caché sous le texte imprimé. Science auxiliaire de l’histoire, elle a vocation à raconter des histoires...
En ce printemps 2014, les femmes sont à l’honneur à la «Pléiade», avec la parution des deux nouveaux tomes des Œuvres complètes de Marguerite Duras et la «nouvelle entrée» de Mme de Lafayette dans la collection. Nous sommes loin de la parité, il est vrai ; mais force est de constater que l’histoire littéraire elle-même s’écrit au masculin jusqu’au milieu du XXe siècle ; et il n’est pas à la portée de la collection, si bienveillante soit-elle, de la corriger.
Les archives d’imprimeurs sont une source importante pour l’histoire du livre, de l’édition et de la vie des idées. Aussi convient-il de saluer l’existence d’un site fort bien documenté1, consacré à l’un des ateliers parisiens ayant imprimé quelque quarante titres de la « Bibliothèque de la Pléiade » entre 1936 et 1950 : l’Imprimerie Union. Une page y est consacrée aux relations de cet atelier parisien avec Jacques Schiffrin2, le créateur et directeur de la collection ; une autre donne accès à quelques-unes des lettres d’affaires adressées par celui-ci en 1940 à l’un des deux fondateurs de l’imprimerie, Dimitri Snégaroff.
En juin 1977, Robert Gallimard fait appel à Jean Grosjean pour la préface au premier tome de l’Histoire des littératures de l’«Encyclopédie de la Pléiade». Ce texte en cache un autre : ce n’est pas tant cette nouvelle édition du premier volume de l’Encyclopédie, paru initialement en 1956, que Jean Grosjean présente, mais l’introduction qu’en avait faite, à l’époque de sa première parution, Raymond Queneau.