Segalen et l’inachèvement
Les œuvres posthumes, déjà évoquées ici1, sont souvent inachevées. Milan Kundera pense même qu’elles le sont toujours, par définition. Il dit en effet, dans Les Testaments trahis, qu’aucun inédit ne peut être tenu pour achevé, puisque c’est seulement quand il a la perspective de publier un texte que l’auteur y met « la dernière touche ». La publication serait donc à la fois la cause et la condition de l’achèvement de l’œuvre. Troublante idée, si l’on songe à Segalen, dont l’œuvre est majoritairement posthume et qui est un virtuose de l’inachèvement.
Une évidence, pour commencer : on n’annote pas les romans de Chrétien de Troyes comme ceux de Claude Simon. Pourtant, la plupart des appareils critiques de la Pléiade présentent des traits communs. La réflexion à mener sur leur définition est une étape essentielle de nos « grandes manoeuvres ».
Bien entendu, les livres sont des oeuvres de l’esprit. Mais ces oeuvres-là ont une hauteur, une largeur, une épaisseur, un poids — bref, elles sont aussi des objets, des objets « pas comme les autres ».
Toutes les éditions publiées par la Pléiade n'exigent pas le même temps de préparation. On le comprend aisément : assembler et traduire les écrits apocryphes chrétiens ou réunir les nouvelles de Paul Morand, ce n'est pas tout à fait le même travail. En fait, chaque édition constitue un cas d'espèce. Le « cas Simenon » n'est donc pas exemplaire, mais il donne une idée de la manière dont un projet devient livre, lorsque tout se passe bien.
Le sommaire de l’édition a été mûrement pensé. Des calibrages ont été faits qui garantissent que les textes et l’appareil critique n’excèderont pas les dimensions souhaitées. Il reste à recueillir les autorisations et à signer les contrats qui permettront au livre d’exister.
Lorsque la décision de faire entrer un auteur à la Pléiade a été prise, les préfaciers ne sauraient se mettre aussitôt à préfacer, les traducteurs à traduire, les annotateurs à annoter. Avant de se lancer à l’offensive, il est préférable d’étudier le terrain.
C'est traditionnellement vers la fin de septembre que l'on examine le plan de réimpression de la Pléiade pour les douze mois suivants, au cours d'une réunion à laquelle sont conviés des représentants de la direction générale, du service éditorial et des services commercial, administratif, de fabrication...