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Affiche Jacques et son maître
L'actualité de la Pléiade

Jacques et son maître, de Milan Kundera, à La Pépinière théâtre

7 février 2012

Depuis le 20 janvier 2012, Le Pépinière théâtre accueille la pièce de Milan Kundera et offre au metteur en scène Nicolas Briançon l'occasion de recréer cet «hommage à Denis Diderot en trois actes», quinze après sa première version.

En 1972, le jeune metteur en scène français Georges Werler est allé voir Milan Kundera à Prague et a emporté en fraude à Paris le manuscrit de sa pièce Jacques et son maître. Kundera l’a écrite après l’invasion russe, quand toute son oeuvre, ancienne et future, a été gommée des lettres tchèques.
C’est son vieil amour pour Jacques le Fataliste qui a inspiré ce «divertissement au temps de la peste», cette «variation sur Diderot», où l’imagination du grand écrivain du siècle des Lumières s’est jointe à la sienne. Le Diderot auquel on rend hommage ici ne coïncide pas tout à fait avec celui vénéré en France. Pour Kundera, il est avant tout le romancier ; un des plus originaux qu’a connu l’histoire ; la pièce n’a donc rien d’une leçon philosophique ; elle est un vrai théâtre qui exalte le plaisir d’invention, l’humour et le rationalisme ludique de Diderot, elle célèbre son extraordinaire liberté formelle qui, selon Kundera, n’a plus jamais trouvé sa pareille dans l’évolution du roman mondial. C’est à l’époque où Prague a vécu sa «fin de l’Occident» que Kundera savoure cette éclatante liberté diderotienne comme on savoure des valeurs condamnées et qui sont sans avenir. C’est pourquoi la gaieté de cet «hommage théâtral » est entourée d’une aura mélancolique inconnue au siècle des encyclopédistes.

Le mot du metteur en scène, Nicolas Briançon

Diderot, Kundera… L’intelligence et le plaisir. Le Bonheur à l’état pur. Bonheur d’un texte en état de grâce, qui nous enchante et nous rend plus heureux. Intelligence de deux pensées qui, à plusieurs siècles de distance, dialoguent, s’interrogent et s’amusent, dans une lisibilité absolue qui nous fait croire à la vie. La liberté, le plaisir, le bonheur, la nostalgie, l’ivresse et le naufrage : il y a tout cela dans Jacques. Tout ce qui est au coeur même de nos vies. Tout ce qui les traverse et les irradie. Cet hommage au siècle des Lumières français nous rappelle à quel point le théâtre peut-être ce moment de plaisir et d’intelligence limpide qui le rend si précieux. Je voulais remonter cette pièce quinze ans après ma première version et retrouver Yves Pignot, mon «maître». Je voulais confronter nos personnages à l’épreuve du temps, puisque ces deux-là sont sans âge. Je voulais nous, et vous faire plaisir, du moins je l’espère, en replongeant dans ces aventures merveilleuses. C’est une belle et formidable pièce. Légère et profonde, vive et grave. Elle nous fait respirer un peu plus haut, un peu plus loin. C’est un rêve de théâtre !

Nicolas Briançon

Le mot de Milan Kundera

De toutes les adaptations je pense la même chose que le maître de Jacques quand il s’exclame : « Que périssent tous ceux qui se permettent de réécrire ce qui a été écrit ! […] Qu’ils soient châtrés et qu’on leur coupe les oreilles ! ». Ma pièce n’est pas une adaptation. C’est ma variation très libre sur un roman que j’adore, un hommage à son auteur, à son humour, à sa liberté. Déjà, en 1998, Nicolas Briançon a présenté une mise en scène de Jacques et son maître. Enchanté, j’ai alors vu le spectacle au moins quinze fois, heureux que le metteur en scène ait été sensible à chaque phrase de mon texte, écrit en 1971, alors que je vivais encore à Prague, aux pires moments de l’occupation russe. Dans ce trou noir de notre siècle, j’avais eu besoin d’entrevoir un rayon de soleil venu du dix-huitième siècle français. D’où l’esprit de la pièce : le comique pénétré de mélancolie, le rire qui pleure. Briançon revient aujourd’hui à Jacques et son maître et, encore une fois, je suis enchanté. Il est toujours fidèle et à lui-même et à moi, à la simplicité de la scène, à ses excellents acteurs (je suis heureux de les retrouver presque tous, après quatorze ans) et à l’esprit d’un désespoir enjoué. Une petite remarque, le titre dit : « …hommage à Denis Diderot en trois actes ». Pourtant, chez Briançon, il n’y a aucun entracte. En effet, quelle barbarie que d’interrompre une œuvre d’art ! Je pense aux sonates et aux symphonies ; elles sont toujours divisées en trois ou quatre mouvements dont chacun est marqué par un tempo différent. Ce changement des tempi donne à l’ensemble sa forme. Voici les tempi du Jacques et son maître de Briançon : premier acte (le voyage commence) : allegro ; deuxième acte (l’arrêt à l’auberge) : vivace d’un scherzo ; dernier acte (la fin du voyage) : lento. Briançon est un musicien de la mise en scène.

Milan Kundera

Avec : Yves Pignot, Nicolas Briançon, Nathalie Roussel, François Siener, Patrick Palmero, Philippe Beautier, Alexandra Naoum, Sophie Mercier, Hermine Place, Yves Bouquet.

Du mardi au samedi à 21h et en matinée le samedi à 16h15.
La Pépinière théâtre : 7, rue Louis le Grand, 75002 Paris
www.theatrelapepiniere.com

Pour participer au concours et gagner peut-être deux invitations (pour les représentations du mardi au jeudi), inscrivez-vous ici avant le 19 février*.

* Participation réservée aux membres du Cercle de la Pléiade inscrits au site de la Pléiade

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