La Pléaide

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L'actualité de la Pléiade

Correspondance, III, de Balzac, extrait.

À Andersen, le 25 mars 1843 :
Il y a dans les événements humains une force supérieure qui les dénoue et qui rend les discussions publiques, l’intervention de l’opinion, complètement inutile. L’homme peut nouer, il ne dénoue jamais. Ceci atteint tous les drames politiques. Aussi, selon moi, l’homme politique est-il peu de chose devant le poète et l’écrivain. Le livre est plus influent que la Bataille. Rousseau a plus fait, plus entrepris sur les mœurs françaises que Napoléon. La bataille d’Austerlitz est un accident, un triomphe momentané, l’Événement l’a prouvé, tandis que Paul et Virginie, par exemple, gagne pour la France, sur l’Europe, la bataille tous les jours.

À Armand Bertin (Journal des débats), le 25 mars 1844 :
Au risque de paraître donner à mon ouvrage intitulé Les Petits Bourgeois de Paris plus d’importance qu’il n’en a, de sembler ainsi réclamer la curiosité que tout retard excite quand un titre l’a déjà sollicitée, je suis obligé de vous dire que les difficultés de l’exécution exigent encore un mois, quoique le livre soit entièrement écrit. Ce n’est rien vous apprendre que de vous parler de mes retouches, de mes corrections, l’étonnement de ceux qui me croient doué de facilité, l’effroi des imprimeurs et des libraires, qui comparent les frais de mes manuscrits à des devis d’architecte ! Mais peut-être est-ce inutile de raconter au public toutes les peines que coûte son amusement de chaque matin (si tant est qu’il s’amuse).

À Romain Colomb, sur Stendhal, le 30 janvier 1846 :
C’est un des esprits les plus remarquables de ce temps ; mais il n’a pas assez soigné la forme, il écrivait comme les oiseaux chantent ; et notre langue est une sorte de madame Honesta qui ne trouve rien de bien que ce qui est irréprochable, ciselé, léché. Je suis très chagrin que la mort l’ait surpris. Nous devions porter la serpe dans La Chartreuse de Parme, et une seconde édition en aurait fait une œuvre complète, irréprochable. C’est toujours un livre merveilleux, le livre des esprits distingués.

À Marceline Desbordes-Valmore, le 8 septembre 1848 :
Les prières du poète sont des ordres ; ils ne parlent pas, ils chantent, et les écouter, c’est être charmé. Voilà ce que je vous puis répondre, en vous faisant observer que ma porte n’a jamais été qu’ouverte tout grand pour vous ; car elle vous écoute, et n’a pas de résistance contre la poésie ; seulement, vous n’avez jamais songé, en v[otre] qualité de poète que l’humble prosateur est un travailleur à qui les 24 heures de la journée n’ont jamais suffi, et qu’il ne pouvait jamais grossir la cour que vous fait un grand nombre d’amis.

À sa sœur, Laure Surville, le 30 avril 1849 :
Je reste ici maintenant cloué par la maladie. Hélas ! j’ai payé tribut à 1848, comme tous ceux qui sont morts ou qui en mourront ; seulement, mon tempérament de taureau donne du fil à retordre à la souveraine de l’humanité. Je fais partie de l’opposition qui s’appelle la Vie.

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