Dans cette rubrique, nous proposons cent petits textes, un par année, consacrés à la vie des livres et des écrivains, en France, au XXe siècle. Ces textes ont été publiés pour la première fois dans les Agendas de la Pléiade entre 2002 et 2011. Les événements qu’ils mettent en lumière ont certes été choisis en fonction de leur importance, immédiate ou différée, mais aussi, mais surtout, pour le plaisir d’évoquer un livre ou un auteur attachant. Leur republication simultanée ne forme donc pas une histoire littéraire du XXe siècle en cent chapitres : tout au plus une promenade en cent étapes, arbitraires et facultatives.
1985
Le 17 octobre à 13 heures, la nouvelle tombe : le prix Nobel de littérature 1985 est attribué à Claude Simon. À la troisième ligne du communiqué, avant même que ne soit caractérisée l'œuvre du lauréat, figure la formule attendue : «nouveau roman» ! (Elle occupera la même place dans le discours du secrétaire perpétuel de l'Académie suédoise, le jour de la remise du prix.) Alain Robbe-Grillet est d'ailleurs en embuscade à la cinquième ligne. Faulkner et Proust, «les avant-coureurs», sont ex æquo aux alentours de la douzième ligne, ce qui n'est pas si mal : Dostoïevski, lui, est presque enterré au milieu du deuxième paragraphe.
Parution le 17 Octobre 2024
208.50 €
Le roman est mis en vente par le Mercure de France le 23 février. Intitulé La Retraite sentimentale, il est signé Colette Willy. C’est la première fois que ce nom apparaît sur la couverture d’un livre.
Le 19 mars, à la Chambre. La parole est à M. Maurice Barrès, député de la Seine: «Messieurs, on nous demande 35 000 francs pour porter Zola au Panthéon. Je crois que nous n’aurons jamais une meilleure occasion de faire des économies.» Et l’auteur d’Un homme libre d’annoncer qu’il ne parlera pas de l’Affaire Dreyfus, mais s’intéressera à Zola, à ses œuvres et à ses mérites. Une discussion littéraire chez les députés? Ce sont des choses qui arrivaient.
À l’origine, ils sont six, «six personnages en quête d’une revue», dira Auguste Anglès, «biographe» de la revue en question. Ils se nomment André Ruyters, Henri Vangeon (alias Ghéon), Marcel Drouin (qui signe Michel Arnauld), Jacques Copeau, Jean Schlumberger et André Gide, autour duquel tout gravite.
«L’acheminement de la pensée est très lent, mais sûr. L’écriture de Péguy ne trace jamais une ligne; elle tend à couvrir un espace. […] Le style de Péguy est semblable à celui des très anciennes litanies.» Il est «semblable aux cailloux du désert, qui se suivent et se ressemblent, où chacun est pareil à l’autre, mais un tout petit peu différent; d’une différence qui se reprend, se ressaisit, se répète, semble se répéter, s’accentue, s’affirme, et toujours plus nettement; on avance».
16 mars 1910: «J’ai fini L’Otage», écrit Claudel à Gide, avec qui il correspond depuis une dizaine d’années. «Quels sont vos projets au sujet de votre drame? répond Gide. Puis-je espérer que vous voudrez bien le confier à La NRF?» Il s’agit naturellement de la revue, qui est alors dans sa deuxième année.
L’Annonce faite à Marie, mystère en quatre actes et un prologue, est achevé d’imprimer le 7 juin. Claudel a entièrement récrit une œuvre conçue vingt ans plus tôt, La Jeune Fille Violaine. En août, le metteur en scène Lugné-Poe se propose de monter la pièce. Claudel accepte. L’Annonce sera créée au théâtre de l’Œuvre, dans la salle Malakoff. Mais ni Claudel ni Lugné-Poe n’inspirent confiance, et l’on sent comme de l’ironie dans l’annonce de la création par Le Figaro. Au soir de la première, le 21 décembre, l’ironie n’est plus de mise: la pièce a fait l’effet d’une bombe. Du portier du théâtre aux critiques, on est enthousiaste, même si certains déplorent le hiératisme des acteurs et «certaines fioritures lyriques». La presse comparera Claudel à Ibsen, à Shakespeare, à Eschyle…