Parution le 20 Mars 2025
1936 pages, Prix de lancement 75.00 € jusqu'au 31 08 2025
J’écris ceci en marge d’un grand drame. Ce drame, c’est celui de la France : tant de fois saignée, saignante encore, assise dans ses ruines où s’inventent des chants et se peignent des rêves, en proie aux mille déchirements des intérêts sordides, avec ce cœur indompté qu’on appelle le peuple, sans cesse humiliée et toujours orgueilleuse, prête à croire aux miracles, en faisant sans le remarquer, reniée, bafouée, livrée à l’étranger sous ses propres couleurs, déshonorée par les siens mais enfantant plus de héros qu’il n’y a d’astres, la France comptant ses tombeaux, la France aux yeux d’avenir, la France dont le nom s’entend au loin comme le bruit des Bastilles tombées, et qui semblait négation des chaînes, des misères, des ténèbres...
J’écris ceci en marge d’un grand drame. Comme à ce moment de la nuit où il faut proclamer le jour, afin que nul n’oublie que le jour fut et que tous sachent qu’il sera.
J’écris en 1952, quand, comme la lumière, comme un alcool, comme le feu de l’espérance, nous nous rappelons, nous Français, à l’occasion d’une date du calendrier, que la France donna au monde, il y a cent cinquante ans, un homme en qui le monde allait pour toujours la reconnaître, comme l’Italie en Dante, l’Angleterre en Shakespeare, la Russie en Pouchkine et l’Allemagne en Goethe, un enfant que son père, un soldat d’Empire, appela Victor, et dont l’empire pacifique est aujourd’hui si grand que le soleil se lève et se couche sur ses terres, qu’il n’est pas de pays terrestre où s’ignore aujourd’hui le nom de Victor Hugo.
Voilà, voilà pour rafraîchir notre front et nos lèvres, voilà pour dissiper nos nuées, pour écarter les mauvais rêves, le mot incantatoire, le cri de la fierté nationale échappé de nos poitrines !
Dans ce drame, la France, il y a cet espoir, cette ivresse, cette clameur, cette confiance en soi reprise et renouée dans la fraternité des peuples, avec la paix pour drapeau, le progrès pour étoile et la gloire énorme du poète pour symphonie, il y a, en 1952, Victor Hugo fêté malgré la mesquinerie et la traîtrise, malgré la bave et l’argent, malgré les crimes préparés et les crimes perpétrés, malgré l’injure et la sottise, malgré Tartuffe et malgré Javert, il y a, dans Victor Hugo fêté, la foi dans la France, et l’amour de la France, et la certitude qu’un jour s’arrachera le masque dont elle est déguisée contre elle-même, et qu’alors...
Mais qui donc en France lit Victor Hugo ? Et qu’en lit-on ? Il faudrait faire le point de ce phare, il faudrait voir où diriger sa lumière, sur quelles ombres. Hugo, ce n’est pas l’affaire de quelques-uns dans ce pays, mais de tous. Que fait-on pour que tous le connaissent, le comprennent, l’aiment, l’écoutent ? Les fêtes passeront, mais il y a ses livres.
Avez-vous lu Victor Hugo ?
Un cent-cinquantenaire, c’est une bonne occasion de réparer l’oubli, de vaincre l’inertie et le doute, de remettre à neuf ce monument national. On parle de Versailles abandonné... Mais Hugo, dites donc, c’est à la fois Versailles et Chambord et Chenonceaux et Fontainebleau, vieilles demeures, et Chartres, Reims, Paris, Strasbourg, Vézelay, Albi, Périgueux, sanctuaires, et les soleils nouveaux levés avec la Marseillaise, l’Arc de Triomphe et le Panthéon, Austerlitz et les Trois Glorieuses, les berceaux divinisés et le vieillard sur ce corbillard des pauvres, les tombeaux changés en aurores, tous les palais à venir de l’homme triomphant. Versailles, certes. Mais Hugo, d’abord.