La Pléaide

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Edward W. Kemble, « Des journées entières à rien faire ».
L'actualité de la Pléiade

Aventures de Huckleberry Finn (extrait)

25 mars 2015

Vous me connaissez pas déjà si vous avez pas lu un livre dénommé Les Aventures de Tom Sawyer, mais ça fait rien. Ce livre c’est Mr. Mark Twain qui l’a écrit, et il a dit la vérité presque toujours, avec des choses exagérées. Mais passons, j’ai jamais rencontré personne qu’a pas dit un mensonge un jour ou l’autre, sauf Tante Polly ou la veuve, ou peut-être bien Mary. Tante Polly, la tante à Tom, Mary, la veuve Douglas, elles sont toutes les trois racontées dans ce livre qui dit en gros la vérité avec des trucs à dormir debout, comme je viens de l’expliquer.

Bon, à la fin du bouquin voilà ce qui se passe. Tom et moi on a trouvé l’argent que les voleurs ont planqué dans la caverne et on devient riches. Six mille dollars en or chacun, une sacrée montagne d’argent quand on mettait toutes ces pièces en tas. Le juge Thatcher a tout pris pour le déposer à la banque avec intérêt, ça nous rapportait un dollar par jour et par tête toute l’année, bien plus que personne pourrait savoir quoi en faire. La veuve Douglas a procédé à mon adoption et s’est mis dans l’idée de polir mon caractère, mais la vie à la maison était pas commode du matin au soir, vu que cette femme était si horriblement stricte sur tout. À la fin, j’en ai eu assez, j’ai mis les voiles. J’ai sauté dans mes vieilles fringues, cap sur mon bon vieux tonneau ! Là j’étais libre et heureux. À ce moment, Tom Sawyer a réussi à me retrouver. Il m’a annoncé qu’il allait former une bande de brigands et que je pourrais en faire partie à condition de revenir chez la veuve et que je devienne convenable. C’est comme ça que je suis retourné chez elle.

Elle en a pleuré des chaudes larmes sur mon sort et m’a traité de pauvre agneau égaré et des pelletées d’autres noms, mais sans mauvaise intention. Elle m’a rhabillé dans les habits neufs qui me serraient de tous les côtés et où je suais comme un boeuf. Et qu’est-ce que vous croyez, tous les chichis ont recommencé. La veuve sonnait une cloche pour le dîner et il fallait qu’on soit à l’heure. Quand on passait à table, interdiction de s’y mettre tout de suite, il fallait attendre que la veuve baisse la tête et marmonne des mots au-dessus du manger. Pourtant il avait rien à se reprocher celui-là, sauf que chaque chose était cuite à part. Dans une marmite de ragoût c’est très différent, tout se mélange, la sauce coule partout, si vous voyez ce que je veux dire, et c’est bien meilleur.

Après le dîner elle a sorti son livre pour me donner une instruction sur l’histoire de Moïse quand il arrive en caisse dans les roseaux. Moi je grillais d’impatience de savoir ce qui allait lui arriver, mais quand elle s’est mise à lâcher par petits bouts que ce type était mort et enterré depuis belle lurette, alors là j’ai arrêté d’écouter sa vie parce que les morts, je vais vous dire, ils m’intéressent pas tant que ça.

Traduit de l’américain par Philippe Jaworski.

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