La Pléaide

1976

Le Miroir des limbes fait son apparition dans l'œuvre de Malraux en 1974. Mais ce n'est alors qu'un titre, ou plutôt un surtitre. On peut le lire sur la couverture de Lazare, qui vient de paraître ; et l'on précise, sans plus, que cet ouvrage « figurera dans le second tome du Miroir des limbes ».

Un an plus tard paraît Hôtes de passage ; cette fois, à en croire les mentions liminaires, le livre forme les « trois premiers chapitres » du « second tome » du même Miroir des limbes. Mais de quoi les autres chapitres seront-ils faits ? Le lecteur l'apprend en avril 1976, quand sont enfin publiés dans la collection « Folio » les deux volumes constituant Le Miroir des limbes : les Antimémoires, La Corde et les Souris.

La Corde et les Souris a failli recevoir un autre titre, éminemment malrucien : Métamorphoses. Est-ce parce que le tome III de La Métamorphose des dieux doit être publié en juin que Malraux renonce à ce mot ? Quoi qu'il en soit, La Corde et les Souris est placé sous le signe de l'art. En épigraphe figure une historiette : pendu par l'Empereur Inflexible, le Grand Peintre ne touche le sol que par ses gros orteils. « Il se soutint d'un seul. De l'autre, il dessina des souris sur le sable. / Les souris étaient si bien dessinées qu'elles montèrent le long de son corps, rongèrent la corde. » Et le Grand Peintre s'en alla, emmenant les souris. Faut-il rappeler que l'art, selon Malraux, est un anti-destin ?

Le Miroir des limbes est donc un recueil. Une sorte de recueil. Ou plutôt non : non pas tant un recueil qu'une œuvre nouvelle. André Malraux reste fidèle à sa ligne de conduite : toute réunion d'œuvres antérieurement publiées suppose une recomposition, souvent profonde, et qui donne son unité à l'ensemble. L'ouvrage nouveau est toujours autre chose que l'addition de ses composantes. Il en fut ainsi quand Malraux fondit en 1951 les trois volumes de Psychologie de l'art dans Les Voix du silence. Il en va de même pour Le Miroir des limbes.

Première partie : les Antimémoires, publiés pour la première fois en 1967, réédités après une première révision en 1972, revus une nouvelle fois pour l'édition d'avril 1976. Quant à la deuxième partie, La Corde et les souris, elle se compose des Chênes qu'on abat (1971), de La Tête d'obsidienne (1974), de Lazare (1974), d'Hôtes de passage (1975). Mais ces ouvrages ne sont pas rassemblés dans l'ordre de leur première publication. Là encore, il y a remodelage de l'ensemble, et les modifications de texte sont parfois importantes. Les livres, devenus les parties d'un tout, perdent leurs titres, remplacés par des numéros.

C'est en octobre que paraît dans la Pléiade (qui procure aussi une édition augmentée des Romans) l'édition définitive du Miroir des limbes, en un seul volume, qui propose en outre les Oraisons funèbres. Le texte n'est plus modifié, il reprend celui des deux tomes de « Folio » : l'auteur a trouvé la forme permettant de faire la somme de sa vie et de son œuvre. Le même personnage vécut cette vie et écrivit cette œuvre. Le Miroir des limbes est en quelque sorte le roman de ce personnage.

 Malraux continue à travailler à la révision du premier volume de La Métamorphose des dieux et à son essai, L'Homme précaire et la littérature, qu'il corrige encore le 3 novembre. Le 15, victime d'une congestion pulmonaire, il est admis à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Le 22, il est frappé d'une embolie. Il meurt le lendemain.

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