La Pléaide

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Voyages extraordinaires 1
L'actualité de la Pléiade

Voyages extraordinaires, de Jules Verne

14 mars 2012

Extrait de l'Introduction de Jean-Luc Steinmetz

Avec zèle et application, les exégètes et lecteurs de Verne ont tenté (vainement) de dresser un panorama explicite de son œuvre. Comprenons bien que lui-même, pluriel comme le monde, n’a pas facilité la tâche de quiconque voudrait le ramener à une unité problématique. Et pourtant des «Voyages», dont l’extrême variété nous défie, se dégagent une impression, une allure, un horizon. Quoi qu’il en soit de ces explorations, spéculations, anticipations, filatures, guides universels déguisés, nous constatons Jules Verne: son savoir à la portée de tous, ses désirs profonds, sa sédentarité aventureuse, ses rêveries effrénées, ses fantaisies, le confortable excès de ce montreur qui « connaît la musique » et les intenses visions de ce prophète de fin des temps, de ce poète qui se veut sans rime, encore un que ronge l’ennui des heures quotidiennes et qui, contemplant la circonférence de son encrier ou les trains qui passent sous sa fenêtre, ne se lasse pas de partir un peu plus loin, dans l’espérance d’un point final auquel succédera bientôt la majuscule initiale du livre suivant. En route vers ce qui est recherché avec une ardeur invincible : un homme, une terre, un objet idéal («solitude, récif, étoile», disait Mallarmé), le lecteur se confie avec délice au courant de l’écriture, conscient d’être voué à une forme d’inéluctable que lui réserve la providence ou l’infortune. Que signifie ce courant auquel on s’abandonne ? Quels sont les motifs de cet élan irrésistible ? Évidemment, première réponse, la plus utilitaire de toutes : satisfaire aux termes du contrat passé avec Hetzel. Mais, plus sûrement, poursuivre le travail d’écriture qui, en réalité, correspond au plus fol engagement sur les pistes de l’évasion, du rêve (appelez ça création, poïésis à tout prix, au-delà de toute nécessité). Ensuite de quoi une vision nous enveloppe à l’instar d’un mirage, comme sur les illustres couvertures rouges ou polychromes. À coup sûr, en quelque endroit du globe que l’on atteigne, la mer bat de son ressac un rivage, familier ou sauvage. En un coin se dresse un volcan, terrible jouet d’enfant dont Verne ne saurait se passer. Ne l’oublions pas, Verne, dessinant l’île mystérieuse, s’est refusé à lui conférer une allure avenante. Il a présenté presque offensivement le tracé de quelque monstruosité sous-jacente. C’est que le roman d’aventures manœuvre des invariants, parmi lesquels la présence réitérée d’une menace.

J.-L. S.

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