La Pléaide

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Fitzgerald
L'actualité de la Pléiade

Gatsby le magnifique, dans la Bibliothèque de la Pléiade et au cinéma

Alors qu’on peut voir actuellement une nouvelle adaptation cinématographique de Gatsby le magnifique, présentée en ouverture du festival de Cannes, est dans les salles de cinéma, nos lecteurs peuvent (re)découvrir le roman mythique de F. Scott Fitzgerald dans la nouvelle traduction de Philippe Jaworski publiée en septembre 2012 au tome I des Romans, nouvelles et récits (n° 581 de la collection).

Je passais mes soirées du samedi à New York, parce que ces fêtes brillantes, éblouissantes s’étaient si puissamment imprimées dans mon esprit que je croyais encore entendre, légers et continus, la musique et les rires dans son jardin, et les voitures qui allaient et venaient dans son allée. Un soir, j’ai entendu une automobile bien réelle là-bas, et j’ai vu des phares s’éteindre devant les marches du perron. Je n’ai pas cherché à savoir. C’était sans doute l’ultime invité, qui revenait d’un voyage à l’autre bout de la terre et ignorait que la fête était finie. […]

La plupart des grandes demeures du bord de mer étaient fermées à présent, et il n’y avait presque plus de lumières, sinon la lueur incertaine et mouvante d’un ferry-boat de l’autre côté du détroit. Et comme la lune montait dans le ciel, les villas contingentes commencèrent à se dissoudre dans l’espace, faisant place, peu à peu, à l’île ancienne qui avait fleuri jadis sous les yeux des marins hollandais — le sein vert et frais du Nouveau Monde. Ses arbres disparus, ceux qu’on avait abattus pour édifier la maison de Gatsby, avaient fait de leurs murmures les entremetteurs du dernier et du plus grand des rêves humains ; pendant un bref instant de pure magie, l’homme dut retenir son souffle en présence de ce continent, contraint à une contemplation esthétique qu’il ne comprenait ni ne désirait, confronté, pour la dernière fois de son histoire, à une découverte proportionnée à sa capacité d’émerveillement.

Et comme je demeurais là sans bouger, méditant sur ce vieux monde inconnu, je songeai à ce que fut l’émerveillement de Gatsby lorsqu’il aperçut la lumière verte à l’extrémité de la jetée de Daisy. Il avait fait un long chemin pour parvenir jusqu’à cette pelouse bleue, et son rêve avait dû lui sembler si proche qu’il ne pouvait plus manquer de l’empoigner. Il ne savait pas que le rêve était déjà derrière lui, quelque part dans la vaste obscurité au-delà de la ville, où les champs noirs de la république s’étendaient toujours plus loin dans la nuit.

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