La Pléaide

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Le poète Li Bai (701-762). Encre de Liang Kai, XIIIe siècle. Musée national de Tokyo.
L'actualité de la Pléiade

Extrait de l'Anthologie de la poésie chinoise

25 mars 2015

Un vert délicat reposant et tranquille ;
Une robe rouge entre rose et cramoisi.
Son coeur affligé est sur le point de se rompre ;
L’éclat du printemps peut-il en tenir compte ?

Wang Wei (700-761), Les Pivoines rouges.

                                
                                *

Pas un oiseau en vol par-dessus mille monts;
Nulle trace d’humains sur dix mille sentiers.
Un seul esquif : un vieux à la cape de jonc,
Esseulé, pêche la neige sur la rivière gelée.
Liu Zongyuan (773-819), Neige sur la rivière.

                                *

Ce qui me plaît avec l’âge qui vient :
Avoir parcouru tout le monde des hommes,
Être le familier des choses hors des choses,
Voir qu’à travers le vide,
Océans de chagrin, montagnes de tristesse,
En un instant sont froissés et réduits en miettes.
Si j’évite l’égarement des fleurs
Ou la lassitude des alcools,
En tout lieu alerte et lucide,
Je trouverai, rassasié, un endroit où dormir,
Puis au réveil, une scène où jouer ma partie. […]

Zhu Dunru (1081-1159), Ce qui me plaît …

                               *

La lune blanche s’élève, peu à peu,
Les monts verts s’abaissent, peu à peu.
Les branches fl euries rougissent, peu à peu,
Les teintes printanières pâlissent, peu à peu.
Mes émoluments augmentent, peu à peu,
Mes dents se raréfi ent, peu à peu.
Mes concubines engraissent, peu à peu,
Mon visage se racornit, peu à peu.
Nous devons nous priver à la fl eur de l’âge,
Les plaisirs viennent quand la jeunesse s’en va.
Les deux soeurs, Fortune et Infortune,
Nous accompagnent à chacun de nos pas.
Ciel et terre eux-mêmes ont leurs défauts,
Le monde des humains est bien cahotant.
Demandons où chercher le vrai bonheur
Prosternés aux pieds d’un immortel.

Yuan Hongdao (1568-1610),
Poème des « peu à peu » écrit
par plaisanterie sur un mur.

                             *

JE CROIS

Que la mer n’est pas discours
Que les verbes ne touchent pas terre
Que l’éléphant est herbe
Que le moustique l’est aussi
Que tout t’appartient
Que rien ne t’appartient
Que pour l’extrême vitesse
Le court est synonyme du rapide
Que dans les lieux de notre croyance absolue
La vie est ailleurs
Je crois en les mots
Pulvérisés par la vie

Duo Duo (né en 1951), Je crois.

                               *

Là-bas sur la montagne il n’y a pas d’arbre
Là-bas sur la terre il n’y a pas d’herbe
Là-bas dans le fl euve il n’y a pas d’eau
Là-bas les hommes n’ont pas de larmes

Ai Qing (1910-1996), Désolation.

                             *

Vents d’automne frais ;
Lune d’automne claire.
Les feuilles tombent, s’assemblent et se dispersent ;
Les corbeaux frissonnent, assoupis puis dérangés.
Désir d’aimer, désir de se revoir, quand pourront-ils se réaliser ?
En cet instant, cette nuit, comment pourrions-nous nous aimer ?

Li Bai (701-762), Trois, cinq, sept mots.